Eurosatory 2024 : répondre aux défis du nouveau « grand désordre international »

A quelques mois d’une nouvelle édition du salon Eurosatory,qui se tiendra du 17 au 21 juin 2024, le général Beaudouin dresse un constat pessimiste de l’évolution géopolitique mondiale et explique son ambition de faire en sorte que ce salon poursuive son adaptation comme il le fait depuis plus d’un demi-siècle, afin d’apporter réponses et solutions aux crises de tous ordres qui agitent aujourd’hui la communauté internationale.
photo Charles Beaudouin format

Par le général (2S) Charles Beaudouin, Président directeur général du COGES et Commissaire général d’Eurosatory*

* Article issu de la revue Opérationnels SLDS, # 59/60, parue en novembre 2023
 

La déstructuration en cours de l’ordre mondial hérité de la Seconde guerre mondiale

On assiste aujourd’hui à la persistance d’une crise mondiale affectant tous les domaines et générant un sentiment d’instabilité omniprésent et anxiogène :

  • En matière économique, l’équilibre qui reposait sur une Chine jouant le rôle d’« usine du monde » est en train de s’effriter, tandis que le géant asiatique semble « en panne » en termes de croissance économique et de stabilité sociale. Le renforcement parallèle du groupe des BRICS avec l’adhésion de six nouveaux pays (l’Argentine, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Iran, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis) à compter de janvier 2024 souligne l’aspiration accrue de nombre de pays de remettre en question l’ordre établi au lendemain de la Seconde guerre mondiale, en particulier sur le plan financier. Les cinq nations fondatrices – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – représentant déjà à elles seules quarante pour cent de la population mondiale et un quart du PNB mondial, il est à craindre qu’une nouvelle logique de « guerre des blocs », économique cette fois au moins dans un premier temps, ne soit en train d’émerger rapidement. En corollaire, la mondialisation est en cause. Si la souveraineté à part entière n’existe pas et qu’il faille plutôt faire référence à la notion de « dépendances choisies », il est clair que nombre de nations sont en train de remettre à plat ces dernières.

  • En matière environnementale, la transition écologique est d’abord une affaire de transition énergétique et l’énergie verte est avant tout orientée vers le numérique. En découle une nouvelle course aux matières premières et en particulier aux terres rares, ainsi que de nouveaux risques de pollution ; les besoin en terres rares des trente prochaines années équivalent à soixante-dix-mille ans d’extraction de minerais. Dans le même temps le réchauffement climatique va nettement accentuer les phénomènes migratoires par la moindre viabilité de nombreux territoires.

  • En matière politique, la montée de violences intérieures et l’émergence des « émeutes de masse » de plus en plus exacerbées contribuent à ce sentiment d’instabilité généralisée. Parallèlement la criminalité transnationale génère de véritables « Etats dans l’Etat » dans certaines régions du monde.

  • En matière sociétale le « wokisme » dans nos sociétés occidentales en mal de valeurs, concomitamment avec un rejet grandissant du modèle Amérique/Europe dans le reste du monde, ainsi que la porosité de ce village planétaire qui est le nôtre aux réseaux sociaux, sont autant de tendances témoignant d’une rupture avec l’ordre mondial établi tout au long de la seconde partie du XXème siècle et de nombre de présupposés qui prévalaient jusqu’à ces dernières années.

  • En matière technologique, nous assistons à une explosion de la révolution numérique avec le développement exponentiel de l’intelligence artificielle, pour le meilleur et pour le pire, les fragilités inhérentes au systèmes (cyberattaques) et l’ultra dépendance induite des économies (et donc des systèmes de défense et de sécurité) de demain à l’Asie et principalement la Chine (terres rares, microprocesseurs, batteries), dépendance à un niveau
    jamais atteint à ce jour, dépendance longtemps négligée, voire délibérément organisée, du fait de la « mondialisation heureuse ». Il en résulte une exacerbation des crises et conflits – plus ou moins larvés jusqu’à encore récemment -, tandis que de grandes puissances comme la Russie s’affaiblissent et que le monde occidental poursuit un déclin qui semble inévitable, ne serait-ce que pour des raisons démographiques.

Les guerres, crises humanitaires et flux migratoires qui découlent de cette instabilité testent de façon croissante les limites des Etats et leur capacité à y faire face et il est nécessaire de changer d’échelle de réflexion.

 

Eurosatory, un forum source de proposition en matière de gestion de crise au niveau supranational

 

Réceptacle de ces grandes tendances, le Salon Eurosatory se doit de les analyser, les retranscrire et de proposer un panel large de solutions aux crises qui présentent souvent, quelle que soit leur nature (de la guerre de haute intensité aux désastres humanitaires et environnementaux du fait d’accidents industriels ou climatiques), le même ADN en matière de gestion : la nécessité d’une anticipation par le biais de centres opérationnels de prévention, planification et de conduite, l’identification d’un spectre large de moyens humains et matériels identifiés et disponibles, entraînés et éprouvés, une capacité de projection immédiate, et les moyens du traitement dans la durée jusqu’à la stabilisation, puis le retour à la normale.

 

Le concept HELPED (« Humanitarian Emergency Logistic Project and Eco Development »), inventé par Eurosatory pour l’édition 2022 et qui sera développé au niveau international à l’occasion de l’édition 2024, s’inscrit dans cette démarche responsable au regard des temps présents et à venir.

 

La participation de deux cent cinquante délégations étrangères et la déclinaison de deux cents lignes de produits distinctes pendant les cinq jours du salon en font un forum unique pour essayer d’apporter des réponses technologiques à la hauteur des bouleversements et incertitudes ambiants.

 

Parmi les secteurs technologiques phares, on peut citer par exemple l’appui satellitaire à la gestion des crises migratoires, la robotique terrestre permettant à l’Homme de rester un peu plus à distance du champ de bataille, le déminage, l’intelligence artificielle, ou encore les innovations dans le domaine de l’énergie et du stockage de l’électricité. Les technologies et process associés à la problématique de la reconstruction dans son ensemble – reconstruction des infrastructures physiques et cyber, mais aussi reconstruction physique et psychique des êtres humains – font également partie des domaines de recherche privilégiés.

 

Forum de réflexion au travers de ses rencontres et cycles de conférences, débattant de thématiques aussi variées que la sécurité d’approvisionnement, les technologies spatiales, les règlementations relatives à l’export ou
encore la simulation appliquée à l’instruction, Eurosatory est également le lieu où est ainsi traditionnellement exposé l’état de l’art des technologies possibles.

 

Engendrer une dynamique politique qu’il appartient aux décideurs d’adopter est au final l’objectif de ce Salon, dont l’ADN est d’aider à anticiper et résoudre les crises quelles que soient leurs formes.

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