Les solutions commerciales ont modifié les besoins des forces armées dans le cadre des programmes de développement et d’acquisition. En outre, les conflits récents ont montré que les systèmes à double usage joueront un rôle majeur sur les champs de bataille de demain.
Ce type de technologie peut offrir des avantages indéniables dans des scénarios de haute intensité, tels que des communications améliorées et plus sûres, une meilleure connaissance de la situation et une localisation et un engagement plus rapides des cibles.
Ces solutions peuvent également apporter une plus grande efficacité, en accélérant le processus de prise de décision, en améliorant la formation et en facilitant les efforts logistiques.
Joel Dillon, vice-président et responsable de l’activité de défense mondiale de Booz Allen Hamilton, a expliqué à Shephard que de nouvelles technologies commerciales émergent et sont rapidement injectées dans les forces militaires du monde entier.
« Tous ces éléments se conjuguent pour créer une nouvelle façon de faire la guerre, en particulier pour les opérateurs spéciaux, qui doivent être capables d’assimiler toutes ces technologies », souligne M. Dillon.
Dans ce contexte, le Pentagone a redoublé d’efforts pour accélérer l’introduction, l’intégration et l’utilisation plus large de solutions commerciales dans les différents services et agences.
Les drones non militaires, la robotique, la réalité virtuelle (VR), la réalité augmentée (AR), les communications commerciales par satellite (SATCOM) et la cybernétique figurent tous parmi les priorités technologiques du Pentagone.
La prolifération des drones sur le champ de bataille, en particulier les petits systèmes peu coûteux, peut soutenir les efforts d’ISR et entraver les opérations de l’ennemi. Les essaims de drones peuvent améliorer la connaissance de la situation tout en compliquant l’activité de l’adversaire dans le spectre de la guerre électronique.
Dans la guerre en Ukraine, de nombreux modèles différents de drones commerciaux ont été utilisés par les deux parties.
Aux États-Unis, le ministère de la défense a annoncé en 2023 l’initiative Replicator, qui vise à déployer sur le terrain des milliers de systèmes non pilotés en deux ans dans de multiples domaines.
Grâce à cet effort, le DoD entend augmenter les capacités de fabrication et de mobilisation tout en réduisant les coûts associés au déploiement d’équipements avec équipage.
Populaire dans le domaine des jeux vidéo, la RV est une autre technologie qui a fait son entrée dans les quartiers généraux et les bases. Elle permet de reproduire les conditions complexes du champ de bataille ainsi que le fonctionnement et l’entretien de divers équipements et plates-formes.
Plus applicable au domaine de l’instruction, la RV a été largement déployée dans l’ensemble des forces armées américaines afin de réduire le temps et les ressources nécessaires à la préparation des soldats.
Les petits UAS joueront un rôle de plus en plus important sur le champ de bataille de demain. (Photo : Armée américaine)
« Cela permet [aux combattants] de mener la bataille, d’apprendre à communiquer et de faire des choses qu’ils ne pourraient pas faire autrement », note M. Dillon. « Ils peuvent voir l’espace de combat réel dans lequel ils vont s’engager. »
L’armée américaine, par exemple, utilise la RV pour simuler les conditions de conduite et de tir, ainsi que pour former les médecins de combat aux techniques chirurgicales des blessures par balle et des traumatismes dus aux explosions.
Booz Allen fournit également des solutions dans ce domaine. L’ « Extended Reality Analytics Engine » (XRAE) simule le vol de l’avion d’entraînement T-6 Texan, et le « Modular Adaptive Synthetic Controller » MASC) est un outil d’extension de l’environnement virtuel peu coûteux qui permet aux combattants et aux commandants d’intégrer des équipements dans les systèmes de simulation existants.
La RA, quant à elle, peut être utilisée soit pour former les soldats, soit pour améliorer la connaissance de la situation.
Dans les opérations de combat rapproché, d’appui au combat et de soutien, les lunettes de protection utilisant la réalité augmentée peuvent fournir un suivi et une cartographie de la Blue Force, ce qui permet une meilleure perception de la profondeur, une localisation plus rapide de l’ennemi et une acquisition plus efficace des cibles.
« Les informations peuvent être présentées d’une manière vraiment discrète », explique M. Dillon. « Vous pouvez toujours obtenir les informations dont vous avez besoin très rapidement sans avoir à quitter des yeux ce que vous êtes en train de faire.
L’armée américaine dispose de lunettes de vision nocturne binoculaires améliorées (ENVG-B). Fournies par Elbit Systems of America, elles prennent en charge l’utilisation de la RA par le biais de la plateforme Nett Warrior (NW) et offrent des capacités de détection passive des cibles par transmission sans fil à partir du viseur de l’arme.
Le service progresse également avec le programme Integrated Visual Augmentation System (IVAS), qui vise à fournir des capacités de RA intégrées avec des capteurs d’imagerie thermique et à faible luminosité, une boussole intégrée pour la navigation et un logiciel de connaissance de la situation Tactical Assault Kit (kit d’assaut tactique).
Le système IVAS de l’armée américaine intègre la RA à diverses autres capacités afin d’améliorer la connaissance de la situation. (Photo : US Army)
Le commandement des opérations spéciales des États-Unis (USSOCOM) utilise quant à lui le kit d’assaut tactique de réalité augmentée (ARTAK), qui fonctionne sur du matériel disponible dans le commerce, tel que des systèmes de mise en réseau, des serveurs, des ordinateurs d’utilisateur final et des casques de réalité virtuelle et de réalité augmentée.
L’ARTAK est conçu pour réduire les risques lors de l’exécution des missions et donner aux opérateurs spéciaux la possibilité de se connecter à des sites distants et à d’autres membres du personnel pour une collaboration en face à face.
Lors de l’exposition SOF Week 2024 au début du mois de mai, Booz Allen a dévoilé un prototype d’une autre solution de réalité augmentée destinée aux équipes des forces spéciales, son outil de traduction de texte en réalité augmentée en temps réel.
Totalement déconnecté du cloud, il s’agit d’une solution à faible latence qui peut être intégrée aux réseaux tactiques pour connecter les données clés aux échelons supérieurs en vue d’une agrégation supérieure et d’une analyse plus approfondie.
M.Dillon a souligné que l’entreprise travaillait également sur d’autres initiatives visant à minimiser les distractions pour les utilisateurs militaires de dispositifs de réalité augmentée.
« Peut-être devrons-nous modifier l’aspect de l’affichage tête haute si vous êtes au combat ou si vous naviguez d’un point A à un point B, parce que vous pouvez avoir des informations totalement différentes. Vous ne serez peut-être pas en mesure d’assimiler autant d’informations si des balles sifflent autour de vous », a-t-il déclaré.
SATCOM est une autre technologie commerciale utile aux combattants, car elle permet de visualiser le terrain et les mouvements de l’ennemi en haute résolution. Les alliés et les partenaires ont fourni à l’Ukraine ce type de service, qui s’est avéré essentiel pour cibler les formations russes.
L’outil « AR Translate » de traduction en temps réel de Booz Allen pour le texte a été présenté lors de l’exposition SOF Week 2024. (Photo : auteur)
« Nous avons vu des choses comme l’utilisation de SATCOM tactique d’une manière que nous n’avions jusque-là jamais observée », a souligné M. Dillon.
En avril, le Pentagone a publié sa stratégie d’intégration de l’espace commercial pour 2024, établissant des lignes directrices sur la manière de tirer le meilleur parti des solutions spatiales commerciales.
Quatre priorités ont été identifiées : garantir l’accès aux solutions commerciales à travers le spectre des conflits ; réaliser l’intégration en temps de paix avant un conflit ou une crise ; établir un environnement de sécurité adéquat pour l’intégration des solutions commerciales ; et soutenir le développement de nouvelles solutions commerciales destinées à être utilisées en interarmées.
Les opérations dans des scénarios de haute intensité nécessitent également un échange d’informations cryptées et sûres, car les fuites et les interférences peuvent mettre en danger les soldats et les équipements.
Dans ce domaine, le Pentagone utilise des outils et des technologies disponibles sur le marché pour améliorer ses capacités de renseignement sur les cybermenaces.
En combinant solutions commerciales et avancées fédérales, le DoD entend améliorer le processus de collecte, d’analyse et de diffusion des données dans le but d’atténuer les attaques potentielles et les événements préjudiciables dans le domaine cybernétique.
Ces systèmes et technologies ont été utilisés pour sécuriser et protéger les réseaux informatiques du Pentagone, les systèmes de combat et les infrastructures et informations critiques.
M. Dillon a souligné que “le cyberespace devient de plus en plus essentiel” pour les combattants, car il permet de protéger les données dans des scénarios impliquant une prolifération de capteurs.