Approvisionnement en munition : le rôle croissant du Groupe australien NIOA sur la scène internationale

Dans cet entretien, Robert Nioa, CEO du Groupe NIOA, explique l'évolution et la vocation d'une entreprise familiale née au début des années soixante - et qui fête cette année son cinquantième anniversaire -, devenue aujourd'hui non seulement le portail de plus de cinquante partenaires internationaux, mais aussi le plus grand fournisseur privé d’Australie dans le domaine des armes légères, des munitions et produits connexes pour les marchés militaire, policier et commercial australiens et néo-zélandais. Une société en phase avec la volonté des forces armées australiennes de renforcer leur autonomie et souveraineté dans ce domaine et de pouvoir contribuer à la chaîne d’approvisionnement de leurs partenaires et alliés..
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Robert Nioa, PDG du groupe NIOA lors de l’annonce de l’acquisition du fabricant américain de fusils Barrett Firearms © NIOA, 2023

Un Entretien avec Robert Nioa, PDG du groupe NIOA

–> Propos recueillis par Murielle Delaporte
 

Ayant grandi dans l’ « environnement d’une PME familiale spécialisée dans le tir sportif », Robert Nioa a acquis au fil des ans une vaste expérience pluridisciplinaire dans les secteurs du tir, des forces de l’ordre, de l’armée, des télécommunications et de l’immobilier. Il est devenu directeur du groupe NIOA en 1994, puis PDG en 2002.

Dans cet entretien, il explique l’évolution et la vocation d’une entreprise familiale née au début des années soixante – et qui fête cette année son cinquantième anniversaire -, devenue aujourd’hui non seulement le portail de plus de cinquante partenaires internationaux, mais aussi le plus grand fournisseur privé d’Autralie dans le domaine des armes légères, des munitions et produits connexes pour les marchés militaire, policier et commercial australiens et néo-zélandais.

Alors que l’Australie a pris conscience, ces trois dernières années, qu’elle n’avait plus le luxe d’attendre dix ans pour se préparer à mener une guerre à grande échelle, le groupe NIOA, sous l’impulsion et la vision de son PDG, reflète la volonté actuelle de la communauté australienne de défense et de sécurité de cesser d’être « un fardeau pour la chaîne d’approvisionnement mondiale, en tant que l’un des premiers importateurs de munitions parmi [nos] vingt principaux alliés en matière de défense », à un rôle de premier plan dans la chaîne d’approvisionnement mondiale.

A l’origine d’une telle success-story, la volonté constante de Robert Nioa d’innover et de nouer des partenariats à long terme.

 

C’est le cinquantième anniversaire du groupe NIOA : comment décririez-vous l’histoire de cette réussite familiale unique en son genre et les étapes clés qui ont conduit à son évolution depuis le début des années soixante ?

 

Initialement une petite entreprise créée en 1973 et spécialisée dans la vente d’armes à feu, le groupe NIOA est passé à la vente en gros dans les années 1980, en se concentrant exclusivement sur le tir sportif jusqu’au milieu des années 1990, lorsqu’une nouvelle impulsion a conduit la société à la fourniture d’armes à feu légères, de munitions et de produits connexes aux forces de l’ordre en partenariat avec NICO Pyrotechnik (qui fait aujourd’hui partie de l’entreprise allemande Rheinmetall). En 2007, elle a fait son entrée sur le marché de la défense en remportant son premier grand contrat avec l’armée australienne pour la fourniture de lance-grenades automatiques légers MK47 (LWAGL).

Depuis lors, la partie militaire de l’activité n’a cessé de croître et NIOA a obtenu le statut de maître d’œuvre en 2015 en participant à la phase 2 du programme Land 40 de l’armée avec le LWAGL 222 Grenade L, qui a été suivi au fil des ans par d’importants contrats et projets gouvernementaux, parmi lesquels le programme Land 17-1C.2 de projectiles de 155 mm en 2017 ou plus récemment, en 2022, la tranche 1 du projet de létalité Land 159 visant à fournir des capacités de sniper et de combat rapproché aux forces de défense australiennes (ADF).

Parallèlement, l’empreinte internationale du groupe NIOA a été renforcée par la création en 2021 d’une nouvelle filiale, l’« Australian Missile Corporation » (AMC), afin de répondre à la demande du gouvernement de développer une capacité nationale de fabrication de missiles par le biais du programme « Guided Weapons and Explosive Ordnance Enterprise » (GWEO). Un an plus tard, en 2022, une joint venture a été commissionnée avec Rheinmetall pour la production d’obus d’artillerie, couronnant un partenariat vieux de vingt-sept ans particulièrement équilibré et initié avec Nico Pyrotechnik en 1996. Les investissements communs et les transferts de technologie initiaux en provenance de Rheinmetall ont contribué à établir les capacités de production essentielles sur lesquelles le groupe NIOA peut compter aujourd’hui pour une partie de ses activités d’exportation. En 2023, l’acquisition de la société américaine Barett Firearms a par ailleurs constitué une autre étape clé.

 

Avec AMC et au sein du groupe NIOA en général, vous mettez beaucoup l’accent sur le développement des compétences et des technologies ciblées : quels sont de votre point de vue les changements dans votre domaine en ce qui concerne la mobilité (poids et impression 3D par exemple), la robotisation (à la fois comme moyen de production et comme drones à armer), l’acquisition de cible/connectivité, la maintenance des armes à feu, les nouvelles installations d’essai, la simulation, l’IA, etc. ?

 

Si le marché sportif représente aujourd’hui environ vingt-cinq pour cent de l’activité du NIOA, il demeure une base stable permettant le financement des activités de défense, dont le cycle d’acquisition peut durer jusqu’à cinq ans. Il reste également le facteur essentiel induisant l’innovation sur le marché des armes légères et des munitions, car des millions de personnes explorent les nouvelles technologies de façon très souple, contrairement au secteur militaire où des décennies de développement sont parfois nécessaires pour faire des bonds en avant. Le marché militaire s’avère toutefois à l’avant-garde en ce qui concerne l’électronique dont les soldats ont besoin, car il s’agit d’applications militaires uniques, ainsi que de technologies très spécifiques, telles que l’hypersonique. L’hypersonique est en effet la technologie militaire sur laquelle nous devons porter toute notre attention à mon avis, car elle est susceptible de changer la donne avec des applications civiles prometteuses. L’AMC récemment créé a de fait l’intention de s’attaquer aux objectifs du gouvernement dans ce domaine avec la coopération d’entreprises américaines et dans le cadre d’AUKUS.

L’accent devrait être mis sur le développement de la technologie elle-même, mais aussi sur la manière de contrer les effets des missiles hypersoniques entrants, en tenant compte des leçons tirées par l’Ukraine. C’est également le cas pour les munitions flottantes, les drones et les systèmes autonomes basés au sol. Si ces développements ne sont pas nouveaux en soi, ce qui l’est est leur déploiement effectif sur le champ de bataille. Si les concepteurs ont bien compris ces technologies et imaginé leur emploi futur, les applications concrètes sur le terrain se révèlent différentes. Il existe ainsi un écart entre la théorie et la réalité que nous devons prendre en compte.
Si les forces de défense australiennes ont toujours été axées sur la haute technologie, l’Ukraine, mais avant cela, l’évolution de la menace dans la région indo-pacifique, ont convaincu les planificateurs militaires qu’un processus d’industrialisation devait être mis en place afin de promouvoir une capacité de production nationale, ainsi que des stocks de guerre, dans tous ces domaines.

La mise en place de nouvelles capacités afin d’accroître à la fois la production nationale et la constitution de stocks est de fait un défi majeur pour le gouvernement australien, qui doit faire coïncider le niveau d’investissement adéquat avec des ambitions très élevées en matière de préparation dans le secteur militaire. Soulignant que l’Australie est un « pays très mature en matière de gestion de contrat », Robert Nioa est convaincu que le fait de s’appuyer sur ce qui existe déjà – à savoir des contrats de visibilité à long terme (souvent 5+5+5) et la désignation de maîtres d’œuvre spécifiques dans le cadre du soutien tout au long du cycle de vie des matériels – permettra d’obtenir des résultats tant que les investissements se poursuivront à un niveau suffisant. Le groupe NIOA pour l’artillerie et les munitions et l’AMC pour les missiles sont des intégrateurs de systèmes de premier plan et participent à la création à long terme de cette chaîne d’approvisionnement robuste dont l’Australie a besoin pour faire face aux risques croissants auxquels la région est confrontée.

Pour conclure, peut-être un dernier mot sur votre prochaine participation à Eurosatory ?

 

Le groupe NIOA participe au salon Eurosatory depuis plus de vingt ans. La raison pour cela est qu’Eurosatory offre une opportunité inégalée d’accès à la chaîne d’approvisionnement et au marché européens de l’armement. Le fait de pouvoir organiser des réunions avec des fournisseurs internationaux en un seul lieu est particulièrement précieux pour nous qui venons d’Australie et constitue en ce sens une occasion unique.

Nous venons à Eurosatory depuis des années et nous ne cessons d’accroître notre présence. En 2022, nous étions douze participants de haut niveau, de façon à pouvoir couvrir tout le spectre des activités technologiques et commerciales qu’offre le Salon, ainsi que d’identifier les nouvelles perspectives en matière capacitaire.

Nous avons l’intention de faire de même lors de l’édition 2024 et nous sommes impatients d’y participer !

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